Appel aux députables du Sénégal :
Bien valoriser tout le patrimoine intellectuel et spirituel du pays!!

 
 

.


Appel
Bien valoriser tout le patrimoine intellectuel et spirituel du pays!!

 

Chers compatriotes candidats ;
Vous n’êtes pas sans savoir que le Sénégal fut le carrefour d’influences orientales et occidentales. Nous voudrions vous inviter à vous souvenir, pour l’assumer, de cette double filiation. Il va sans dire qu’il le faut pour investir tout notre patrimoine intellectuel et spirituel, exploiter toutes nos potentialités afin de faire émerger réellement le pays et le sortir du sous développement. Ce rappel de quelques préoccupations citoyennes vous est destiné. Nous espérons que vous en tiendrez compte dans votre programme et vos priorités.

A) Du statut de la langue arabe.
Chers compatriotes candidats, vous savez bien qu’au Sénégal, bien avant l’arrivée des français ; l’arabe était la seule langue de communication écrite. Elle est loin d’être une seconde langue scolaire comme certains veulent le faire croire. Elle est, du point de vue historique, notre première langue éducative, administrative et diplomatique. Elle a permis de bâtir la première École sénégalaise. Ce foyer qui a fait converger vers le Sénégal ceux qui étaient en quête de sciences islamiques dans la sous région. C’est la langue arabe qui a donné à ce pays, son premier alphabet, ses premiers écrits et les premiers intellectuels qui l’ont fait rayonner dans le monde. C’est celle-ci que Cheikhou Oumar El Foutiyyou Tall a utilisée pour réaliser sa grandiose œuvre; Cheikhou Moussa Camara pour fixer l’histoire du Sénégal ainsi qu’El Hadj Ibrahima Niasse pour donner à la culture sénégalaise toute sa stature scientifique dans les tribunes du monde. Elle était la langue officielle de l’État des Almamy au Fouta, celle utilisée par l’Administration française pour communiquer avec l’aristocratie locale. Elle est aujourd’hui, la langue de sauvegarde de messages et sagesses des guides religieux de ce pays. Ella porte les écrits d’El Hadj Malick SY, d’Ahmadou Bamba MBACKE et tant d’autres érudits. Des écrits qui permettent de caractériser la culture sénégalaise et de l’identifier.

Depuis, l’attachement des sénégalais à cette langue est resté intact. Ils tiennent encore au système éducatif arabo-islamique. Malgré le dénigrement continu des Daaras par les média et les ONG en quête de subvention, la demande d’accès à ce système est restée forte. Les cours du soir de l’Institut islamique de Dakar sont remplis de hauts fonctionnaires et cadres de ce pays qui regrettent de ne pas avoir appris la langue de Mohammad (PSSL) durant leur scolarité. Des milliers de jeunes sénégalais s’inscrivent chaque année dans les instituts et universités du monde arabe. Une étude récente (M.Y. SALL, 2009) a montré que le Sénégal vient en deuxième position après le Soudan (un pays arabe) dans le classement des pays africains par nombre de diplômés d’Al Azhar d’Égypte de 1961 à 2005. Celle-ci a aussi permis de savoir, contrairement aux rumeurs, que la proportion de scientifiques parmi les diplômés d’ Al Azhar, dépasse celle des bacheliers du système éducatif officiel en considérant les dix dernières années (34% vs 27% de non littéraires). Cela dit, qu’on ne veuille pas valoriser ce capital en investissant cette langue comme n’importe quelle autre richesse culturelle ou économique, reste inexplicable!

Debut du texte


B) De la portée actuelle de la langue arabe

Chers compatriotes candidats, il est vrai que les transformations socioculturelles engendrées par l’Islam varient d’un pays à l’autre. Le reflet linguistique de celles-ci est fonction du degré d’acceptation ou d’assimilation de l’héritage légué par l’envahisseur occidental. En effet, pour répandre leur « civilisation », les colonialistes européens ont tout mis en œuvre pour éradiquer la culture arabo-islamique qui permettait aux autochtones de résister à leur domination. Les dirigeants qui les ont remplacés n’ont jamais fondamentalement remis en question ce projet. Leur anglophonisme ou francophonisme les ont empêchés de bien considérer toute autre richesse linguistique. Ils n’ont rien fait pour que la langue arabe ait une valeur en dehors de la Mosquée. Ils ne l’ont jamais reconnue comme médium de communication utilisable dans n’importe quel autre espace. Ainsi, l’arabophonie de leurs pays se limite en Coranophonie ou Islamophonie. Évidemment, cette stratégie a payé ailleurs, elle a permis d’enterrer la langue originelle de la Bible. Celle-ci n’est plus usitée.
Mais l’arabe a bien résisté à tous ces assauts. Elle est devenue la cinquième (5ème) langue la plus parlée dans le monde avant le français classé onzième (11ème). Au Sénégal, près de 26% sont alphabétisés en arabe à côté des 38% qui savenet lire en français. Elle est plus enseignée que la langue officielle à Diourbel, Kaolack, Louga, Matam et Saint Louis (RGPHS, 2002).
Il s’y ajoute que depuis les attentas du 11 septembre 2001, la culture arabo-islamique est devenue l’objet d’une attention particulière du monde occidentale. La crise financière a rajouté à cet intérêt une dimension économique. Les pays de l’OCDE font maintenant tout pour se donner un potentiel de compréhension et de négociation avec les détenteurs de cette culture. Au Sénégal, l’actuel régime est en train de mettre à profit l’appartenance du Sénégal au monde musulman en reliant étroitement l’économie du pays à celle du monde arabe. Mais cette orientation est loin d’être efficiente! En effet, la langue de Mohammad (
PSSL), au lieu d’être un avantage distinctif et concurrentiel, est très souvent un handicap pour la plupart des gouvernants sénégalais. Ils peuvent parler, au nom de ce pays, en toute langue sauf en celle que la majorité de leurs compatriotes tiennent à partager avec les arabes. Ce qui fait que nos relations commerciales et diplomatiques avec le monde arabo-musulman restent à optimiser.

C) L’impérieuse nécessité de promouvoir Tout notre patrimoine intellectuel et spirituel.
Chers compatriotes candidats, on a vécu au Sénégal, avec beaucoup de pompes, le troisième festival mondial des arts nègres. Celui-ci visait à démontrer au monde du
XXIème siècle l'apport des noirs à la civilisation humaine en tentant de déconstruire les thèses des négationnistes et afro pessimistes. Mais ce faisant, les promoteurs de la négritude, anciens ou actuels, n’ont jamais investi tout le patrimoine intellectuel et spirituel du Sénégal. Ils n’ont jamais rendu hommage aux premiers hommes de lettres de ce pays. Ils n’ont jamais considéré la poésie sénégalaise du 18 et 19ème siècle. Ils n’ont jamais voulu mettre en relief l'ancienneté de l'Ecole Sénégalaise d’origine orientale et son rôle sur l'humanisation et l'émancipation des populations autochtones ainsi que la préservation de leurs cultures. Pour eux, aucun établissement de l'enseignement supérieur public ne mérite de porter le nom d'un de ces illustres premiers hommes de lettres, aucune des nos cités scientifiques d’antan n’est à valoriser. Pir Saniokhor, Sinthiou, Nguigilone ou Thilogne sont aussi ordinaires que n’importe quel petit village du Sénégal. Autrement dit, l’élite politique n’a jamais su mettre en avant la richesse intellectuelle et spirituelle que les marabouts nous ont léguée. Elle n’a jamais voulu reconnaitre que l'histoire culturelle du Sénégal, ne pourrait être écrite en ignorant ses plus qu’illustres fils et sa bibliothèque serait assez pauvre sans leurs œuvres. Elle n’a jamais admis que le Sénégal peut aussi s'écrire de droite à gauche sans pour autant perdre sa valeur nominale, que l'alphabet utilisé dans ce pays dépasse les 26 caractères nous provenant d'Europe.
Chers compatriotes candidats, nous voudrons vous inviter à tout mettre en œuvre pour que ces vides soient comblés et que soit réparé le mépris dont font montre les dirigeants de l'Etat sénégalais à l'égard de nos écrivains classiques, dépositaires de notre sagesse de tous les jours.
Debut du texte
D) L’impérieuse nécessité d’une réorientation éducative et administrative
Chers compatriotes candidats, nous sommes sûrs qu'il est impossible de diriger efficacement un pays quand on ne partage pas sa culture de masse, celle qui constitue le ciment de sa nation, le lieu de proximité entre les leaders et leurs peuples. Celle du Sénégal, qu'on le veuille ou non, est aussi arabo-musulmane. Elle fait partie, comme la culture franco-judéo-chrétienne, des atouts de ce pays. Elle est un facteur de cohésion, de mobilisation et de compétence pour agir dans cette société. Cette culture doit être incarnée partout où le Sénégal est présent, tout simplement parce qu'elle est celle du peuple. Il est irresponsable de la faire valoir uniquement lors des compétitions électorales pour gagner la confiance populaire ou quand il s'agit de concourir pour accueillir l'organisation d’un sommet du monde musulman. Comme il est léger de résumer le problème des arabisants en termes de besoins d’insertion ou d’intégration de quelques heures hebdomadaires d’enseignements religieux dans les curricula. Ajoutons que l’instauration des Daaras modernes, qui limite leurs ambitions scolaires au niveau élémentaire, est loin d’être une solution acceptable.
Une bonne possession de la culture sénégalo-islamique, devrait, pour la meilleure marche de la Nation, faire partie des critères de sélection, de recrutement et d'accès aux postes de haute responsabilité, politiques ou non. Ne pas la considérer comme tel, réduit, sans aucun doute, nos potentialités. De ce fait, il nous parait urgent d’œuvrer pour une nouvelle orientation éducative et administrative.
1) La mise en place d’un système éducatif intégrée,
En adoptant le projet éducatif de la France comme le seul qui vaille au Sénégal, on ne peut en même temps accorder une quelconque considération à l’Ecole sénégalaise antérieure. En effet, le modèle éducatif français était dès l’origine exclusif. Il consistait à imposer dans toute la Gaule la laïcité anticléricale et la langue unique recommandée par François 1er en 1539. Dès siècles après, on a constaté que ce modèle n’est pas payant. En effet, jusqu’aujourd’hui, la société française n’est pas laïcisée et l’hégémonie de la langue royale est contestée. Les sectes se multiplient dans l’Hexagone, les Corses et les Basques y revendiquent la transmission de leurs langues et cultures dans l’Ecole de la vieille République démocratique. Ajoutons à cela, que l’anglais y est maintenant enseigné dans les classes primaires. L’européanisme oblige !
Voilà les tares que l’Ecole sénégalaise a héritées. Ce faisant, elle ne peut que marginaliser l’Ecole Sénégalaise d’origine orientale et mépriser ceux qu’on y forme. Ces derniers, appelés marabouts ou Oustaz, sont écartés de la gestion de la Cité. Quand les sortants de l’Ecole de Jules Ferry détiennent le pouvoir concret (temporel) et jouissent de l’estime que leurs positions politico-économiques confèrent, on confie aux experts de l’autre système éducatif le pouvoir abstrait (spirituel). L’élite régnante ne reconnaissant à ces derniers aucune compétence en dehors de la religion. Pour Senghor, la culture sénégalaise d’expression arabe ne mérite aucune attention particulière. Les détenteurs de celle-ci ne pourraient servir qu’à la Mosquée ou éventuellement dans l’enseignement. Abdou Diouf s’est toujours interrogé sur l’utilité de l’arabe et des arabisants. Le Président actuel, passe son temps à vouloir « moderniser » les Daaras afin que l’Etat puisse au moins honorer son engagement avec l’Unesco : l’éducation pour tous en 2015.
Autrement dit, jusqu’ici nos dirigeants n’ont jamais vu que c’est l’Ecole officielle qu’il faut moderniser. C’est elle qui ne répond pas à l’attente de la plupart des familles sénégalaises. La majorité des parents sénégalais cherchent toujours à compléter la formation scolaire de ses enfants en faisant appel au Marabout ou Oustaz du coin de la rue. Un bon nombre de cadres sénégalais retournent à l’Ecole pour être à même de connaître les rudiments de leur religion.
Là, on voit bien où nous a menés cette approche dichotomique de l’Ecole. L’Etat sénégalais, au lieu d’essayer de mettre en place un système éducatif intégré, l’a disloqué. Il a marginalisé l’autre Ecole et n’a jamais voulu valoriser la culture que la plupart des sénégalais voudraient y partager. Ce qui a créé cette fracture, engendrant d’une part des écoliers-talibés, de l’autre des élèves bien protégés aux frais de tous les contribuables. La volonté de la majorité des parents de préparer leurs enfants à mieux vivre leur religion et bien s’épanouir dans leur société, n’est jamais prise en compte. Ils sont laissés à eux même dans un déchirement profond.
Il n’y a pas de doute que l’attente forte des parents est que le Sénégal reconstruise officiellement son El Azhar, un système d’enseignement complet du jardin au supérieur, afin de redevenir ce foyer ardent des sciences islamiques rayonnant dans toute la région comme jadis. A cette fin, l’Etat doit redistribuer équitablement les ressources qu’il collecte de tous les parents sans distinction en donnant sa part à l’Ecole traditionnelle. Sinon, tout ce qu’il entreprend relèverait purement et simplement de l’abus de pouvoir. Le droit des enfants à une vie descente et à une éducation reconnue, prime sur la nécessité de légiférer contre la mendicité afin que les étrangers ou les riches citadins ne subissent pas leur agressive pauvreté.
De ce fait, nous voudrons, Chers compatriotes candidats, vous inviter à revoir le projet pédagogique national et bien tenir compte des besoins éducatifs de la société sénégalaise. Il est temps de considérer l’Ecole classique comme une composante de celle de la République.
Il est vrai que l’élan du Sénégal était brisé par le dessein du colonisateur. Mais cela ne devrait pas nous interdire de revoir la voie que ce dernier nous a tracée. Dans ce but, on devrait réinvestir toute notre richesse culturelle et scientifique. La sauvegarde de nos langues nationales en plus de celles qui nous sont venues d’ailleurs est nécessaire pour arriver à mobiliser toutes les forces vives du Sénégal. Ne pas aller dans le sens d’assumer et de valoriser le bilinguisme du pays, son réel métissage (Sud-Orient-Occident), constitue une perte incommensurable. Que l’État ne daigne donner jusqu’ici une réponse qui vaille à la demande de formation en sciences islamiques ou profane en langue arabe n’est pas sans conséquence! Le Sénégal en a perdu sa notoriété de foyer ardent des sciences islamiques en Afrique de l’ouest. Aussi, est-il risqué de laisser le système éducatif sénégalo-islamique prospérer sans contrôle. D’ailleurs, l’État est seul responsable de ce qui se passe dans les Daaras. Les dégâts humains et sociaux qui y sont constatés résultent de sa négligence coupable. Ajoutons à cela, qu’il coûte socialement et économiquement cher d’envoyer des jeunes sénégalais se former loin du pays. Comme il est un gaspillage d’accueillir les hauts cadres parmi eux sans se donner les moyens de tirer profit de leurs compétences.
2) Miser sur une administration techniquement compétente socialement consciente.
Nous voudrons simplement vous dire ici, que le Sénégal gagnerait beaucoup à exploiter toutes ses armes culturelles et scientifiques dans ce monde de compétition. Il ne sert à rien d’inhiber une partie de l’héritage du Sénégal comme il ne nous apporte pas beaucoup de camoufler notre potentiel en sciences islamiques. Le statut politique de la langue arabe doit correspondre à son niveau d’estime social. Sa maîtrise doit être considérée comme un critère de compétence socioculturelle permettant d’occuper toute fonction publique de représentation dans ce pays. Sinon, l’élite gouvernante sera sans une force de mobilisation et de persuasion sociales. Ce qui se constate d’ailleurs aux moments sociaux importants, à chaque fois que celle-ci rencontre l’élite socioreligieuse. Les discours officiels y deviennent banals et même vulgaires, les représentants de l’État qui les portent en sortent souvent mal considérés.
Chers compatriotes candidats nous voudrons ici vous inviter à relever le niveau de recrutement de l’élite administrative. A cet effet, il convient d’ajouter aux critères de compétence techniques d’autres relatifs à la culture sociale.

Chers compatriotes candidats, nous vous invitons à tenir compte de cette réalité et opérer les ruptures nécessaires et vous souhaitons bonne chance. .

Debut du texte

Dakar le 2 decembre 2011

1)ANSD (2008) Troisième recensement général de la population et de l’habitat du Sénégal 2002. Rapport National de Présentation. Juin 2008 Documentation.htm
2) Louis-Jean et Alain Calvet. (2009) Classement des langues dans le monde. Mensuel La Recherche.
9 avril 2009Documentation.htm
3)Mamadou Youry SALL (2008) « Al Azhar d’Egypte, l’Autre institution d’enseignement des sénégalais »
Edition Ittihaad, Caire, Egypte, Mai 2009 Documentation.htm

.