Et Si Je Rêvais?
La quasi totalité des réalités qu’on entrain
de vivre aujourd’hui avaient, une fois, été de simples rêves. Le rêve restera
alors la station où s’arrêtent les braves guerriers et leurs conquêtes quand
ils réalisent que le chemin à emprunter ne les mène nulle part. Ainsi, devant
l’impossibilité de transformer en réalité leurs souhaits ils se laissent
sombrer dans leur propre imagination et rêvent,
afin de matérialiser dans leurs esprits ce que la réalité leur a refusé.
Et, en rêvant et en partageant leur rêve avec les leurs ils s’immortalisent et
rendent leurs causes invulnérables au massacre qu’ils risquent eux-mêmes devant
la force adverse en se disant : “Sils parviennent à nous massacrer nos rêves
leur résisteront.”
Le fameux discours du 28 Aout 1963
prononcé par le révérend afro-américain Martin Luther King Jr est un exemple
illustratif parmi tant d’autres. Ce jour là, des centaines de milliers
d’américains noirs, privés de leurs droits civiques les plus fondamentaux, se
sont regroupés autour du grand leader noir pour répéter avec lui sa fameuse
phrase : « Aujourd’hui j’ai fait un rêve ».
Ils ignoraient tous, cependant, que 45
années suffiront pour qu’un fils de cette communauté asservie et marginalisée
soit le principal locataire de la maison blanche voir l’homme le plus puissant
de la planète.
Ainsi à l’instar de Dr King, je
voudrais moi aussi rêver. Certes, je ne suis pas le Dr King, je ne me bats pas
pour sa cause, je ne parle pas à son public, et je ne suis
également pas au bout de mon combat, mais beaucoup de similitudes me
rapprochent de lui : comme lui, je m’indigne de la situation injuste que
vit ma communauté ; je trouve que la justice sociale est fondamentale pour
l’émergence d’une nation et tout comme lui j’ai décidé d’emprunter la barque de
l’espoir pour traverser l’océan du désespoir afin de regagner la rive du salut.
Je vais alors rêver et mon rêve sera
plus facile que le sien car je rêverai très proche de lui. Mieux, je reprendrai
son propre rêve étant donné qu’on a (lui
et moi) les mêmes principes, le même souci, la même foi et le même espoir.
Il se battait pour ses frères afro-américains et leurs droits civiques et moi
je me bats pour mes frères arabophones et leurs droits vitaux. Et quand je lis
et écoute son discours bien qu’il soit prononcé il ya 45 années et destiné à la
communauté afro-américaine je sens qu’il nous parlait mes frères arabophones et
moi.
Pour cette raison, j’emprunterai
quelques passages de son discours de 1963 en me permettant de remplacer le mot
« noir » par le mot « arabophone » afin de
rêver son propre rêve espérant qu’il deviendra un jour une réalité pour ma communauté,
mon peuple et mon pays.
Ainsi lorsqu’il dit : « Cent
ans ont passé et le Noir languit toujours dans les marches de la société américaine
et se trouve en exil dans son propre pays ».
Je reprendrai moi aussi la même phrase
en affirmant que la classe intellectuelle
arabophone souffre elle aussi depuis un bon moment d’une marginalisation qui
l’oblige à vivre dans les marges de sa propre société, ne participant à aucune décision.
Cela expliquerait l’existence de ce nombre important de jeunes cadres arabophones obligés à vivre, difficilement, à l’étranger ne voulant
pas s’exiler dans leur propre pays.
« Au lieu d’honorer son obligation sacrée,
le Sénégal a délivré aux jeunes arabophones un chèque sans valeur, un chèque
qui est revenu avec la mention provisions insuffisantes. Nous ne pouvons pas
croire qu’il n’y ait pas de quoi honorer ce chèque dans les vastes coffres de
la chance de notre pays. Ainsi sommes nous venus encaisser ce chèque, un chèque
qui nous fournira sous simple présentation les richesses de la liberté et la sécurité
de la justice ». Comment appeler le fait que l’état qui a encouragé
l’existence des écoles arabes en les reconnaissant et les subventionnant, et
qui a offert à ses jeunes étudiants arabophones des bourses, leur permettant de
poursuivre leurs études, soit ce même état qui leur a fermé ses portes leur
reprochant d’être le produit d’un système qu’il a lui-même soutenu et
entretenu ? Un chèque sans valeur que les jeunes générations
sont venus encaisser, car notre pays qui rêve de l’émergence ne pourra pas la
voir se matérialiser sans leur apport et leur participation. Et, il sera
important de noter qu’aucune force ne pourra retenir ces jeunes et leur détermination pour venir en aide leur cher pays.
Et à mes frères arabophones je dis :
« Que votre combat soit un combat juste,
constructif et correctif » ;
Que l’obtention de vos droits ne sera
pas aux dépens de ceux de vos frères de l’école française car votre pays à
assez d’opportunités pour garantir à tous ses enfants une vie digne et heureuse.
« Ne cherchez donc pas à étancher
votre soif en buvant de la coupe de l’amertume et de la haine. Livrez votre
bataille dans les hauts plateaux de la dignité et de la discipline ».
« Vous ne pouvez pas marcher seuls »,
car la tâche sacrée de bâtir notre nation exige la participation de tous ses
enfants quelles que soit leurs compétences, leurs langues et leurs classes.
« Poursuivez votre tâche convaincus
que cette souffrance imméritée que vous vivez vous sera un jour rédemptrice ».
Oui, persévérez et continuez le travail
car il n’est plus loin le jour où les fruits de votre labeur tomberont, le jour
où vos détracteurs réaliseront que votre si long combat a fini par aboutir.
« Retournez au Sénégal en sachant
que d’une façon ou d’une autre cette situation que vous vivez peut changer, et
changera », par le travail et la persévérance.
Malgré les difficultés de votre
quotidien et l’assombrissement de votre avenir je garde toujours l’espoir et le
rêve qu’un jour nos enfants vivront dans une société où on ne les jugera pas
par la langue de leur culture mais par le contenu de cette dernière et leur compétence ;
qu’un jour tout vallon sera relevé, toute montagne et toute colline rabaissée ;
le jour où notre nation tirera parti de la richesse des compétences de ses
enfants, le jour où elle réalisera que les différences dans ce monde du troisième
millénaire est la source de l’innovation et de l’émergence.
Que l’espoir soit votre force, la foi
et le travail votre arme, l’émergence de votre pays votre objectif et
l’injustice et le copinage votre ennemi.
Et quand la force est ressentie, les
armes aux poings, l’ennemi localisé et les objectifs définis, la victoire
devient probable voir imminente.
Mamadou Bara Samb
Faculté de
Commerce
16/juillet/2008.